Pendant deux siècles et demi, de 1550 à 1789, le village de Saint-Martin se développa sur la colline de Dringhen, autour de sa nouvelle église. Celle-ci était située au même endroit que celle d’aujourd’hui, mais tournée différemment. Elle était richement ornée et bien entretenue. Les nobles y avaient un banc réservé à leur famille. Quand ils décédaient, ils étaient inhumés sous le dallage, les autres gens dans le cimetière tout à côté, au plus près s’ils étaient riches, loin s’ils étaient protestants. Le grand cimetière de la route de Desvres n’existait pas encore.
Saint-Martin était très étendu, plus étendu encore qu’aujourd’hui ; il comptait 21 hameaux dont Bréquerecque et les Tintelleries où les habitants étaient nombreux, de même à Mont-Lambert. Le centre restait peu peuplé car les fermes y étaient nombreuses. La famille du Wicquet, barons d’Ordre, étaient les seigneurs du village puisque l’église Saint-Martin avait été construite dans leur propriété. Ils réglaient donc les litiges entre les habitants : voisinage, disputes, vols…
Il y avait peu de commerces à Saint-Martin à cette époque, plutôt de l’artisanat : des fabricants de tonneaux, de chaussures, des maréchaux-ferrants, des fours à chaux en descendant vers Ostrohove… Les manoirs de la campagne saint-martinoise, qui dataient du Moyen Age, avaient été modernisés, voire reconstruits : le Denacre, Bois l’Abbé, Bédouâtre, Ostrohove, Bertinghen, Paincthun… Ils étaient habités par les familles de Roussel (Bédouâtre), Abot (la Caucherie et la Watine), Préville… Le sénéchal Patras de Campaigno, chef de la justice de tout le Boulonnais, vivait à Paincthun.
Le curé était le chef spirituel de Saint-Martin : il surveillait la bonne conduite des habitants, leur dispensait les sacrements et tenait les registres des baptêmes, mariages et sépultures qui existent encore aujourd’hui (aux Archives). Les décès d’enfants étaient très nombreux, souvent juste après leur naissance. La messe hebdomadaire, obligatoire pour tous, avait lieu le dimanche en fin de matinée. Les jeunes et les personnes âgées allaient à l’église tous les jours, seules les mères de famille en étaient exemptées. Quant aux hommes… il y avait le café Pâques à côté de l’église….
Parallèlement, les fêtes étaient nombreuses au village de Saint-Martin : la foire d’abord, qui durait une semaine, parfois même 15 jours. Les processions une fois par an, lors des Rogations (bénédiction de la terre). Et surtout, il y avait des bals champêtres à Ostrohove et à la Cluse. Parfois la violence s’en mêlait bien sûr, et quand le roi Henri III décida d’interdire les danses de rue… on continua à danser en cachette.
La vie à Saint-Martin était celle d’un village de cette époque. Dans l’ensemble, elle était correcte, mais les mauvaises récoltes, le prix exorbitant des objets de première nécessité, les troupes de soldats qui ne respectaient rien ni personne, la haine de la corvée obligatoire et l’attitude de certains riches (nobles ou prélats) firent monter la colère à Saint-Martin comme ailleurs, et, en 1789, la Révolution française éclata… (à suivre). Isabelle CLAUZEL.