Histoire

Dernières modifications : 23 août 2021

Saint-Martin village – Il fut un temps où Saint-Martin-Boulogne n’avait pas du tout la physionomie d’aujourd’hui.

Imaginez : ce n’était pas une ville, mais un village dont le chef était le curé. Ce village avait son centre à côté du château de Boulogne, à l’endroit appelé « le Crocq ». Il y avait là une petite église Saint-Martin, en pierres de Marquise, et un cimetière attenant.

Le village de Saint-Martin enserrait Boulogne : il comprenait tout ce qui était extérieur aux remparts. Dans les remparts et autour de l’église Saint-Nicolas = Boulogne. Le Dernier Sou, les Tintelleries, Bréquerecque, le Vieil Atre, la route de St Omer toute entière étaient à Saint-Martin. Pour la justice, Saint-Martin dépendait de Boulogne. Mais pour la vie quotidienne, Saint-Martin était autonome. Tant que le curé était d’accord, tout allait bien.

Bien sûr, il n’y avait pas autant de commerces à Saint-Martin qu’à Boulogne. En tout cas, au Crocq, il y avait déjà des tavernes où le vin et la bière coulaient à flots… Les Tintelleries étaient le quartier des teinturiers, à Bréquerecque on trouvait la maladrerie de la Madeleine pour les pauvres lépreux, à Bertinghen se trouvait le terrible gibet où l’on pendait les malandrins sur la colline pour qu’ils soient vus par les voyageurs sur la route de Paris.

En 1544, les Anglais s’emparèrent de Boulogne qu’ils avaient déjà tenté de prendre à plusieurs reprises. Le quartier du château fut tout démoli. L’église Saint-Martin souffrit beaucoup. C’est alors qu’un noble proposa de la reconstruire en haut de la route de Saint-Omer, sur sa terre. Aussitôt dit, aussitôt fait, l’évêque accepta la reconstruction en 1550.

Une nouvelle église Saint-Martin fut construite, et, du coup, les commerces se déplacèrent aussi, et l’on construisit beaucoup sur la colline. Le village de Saint-Martin avait, on peut le dire, déménagé… (à suivre).


Saint-Martin village au temps des rois

Pendant deux siècles et demi, de 1550 à 1789, le village de Saint-Martin se développa sur la colline de Dringhen, autour de sa nouvelle église. Celle-ci était située au même endroit que celle d’aujourd’hui, mais tournée différemment. Elle était richement ornée et bien entretenue. Les nobles y avaient un banc réservé à leur famille. Quand ils décédaient, ils étaient inhumés sous le dallage, les autres gens dans le cimetière tout à côté, au plus près s’ils étaient riches, loin s’ils étaient protestants. Le grand cimetière de la route de Desvres n’existait pas encore.

Saint-Martin était très étendu, plus étendu encore qu’aujourd’hui ; il comptait 21 hameaux dont Bréquerecque et les Tintelleries où les habitants étaient nombreux, de même à Mont-Lambert. Le centre restait peu peuplé car les fermes y étaient nombreuses. La famille du Wicquet, barons d’Ordre, étaient les seigneurs du village puisque l’église Saint-Martin avait été construite dans leur propriété. Ils réglaient donc les litiges entre les habitants : voisinage, disputes, vols…

Il y avait peu de commerces à Saint-Martin à cette époque, plutôt de l’artisanat : des fabricants de tonneaux, de chaussures, des maréchaux-ferrants, des fours à chaux en descendant vers Ostrohove… Les manoirs de la campagne saint-martinoise, qui dataient du Moyen Age, avaient été modernisés, voire reconstruits : le Denacre, Bois l’Abbé, Bédouâtre, Ostrohove, Bertinghen, Paincthun… Ils étaient habités par les familles de Roussel (Bédouâtre), Abot (la Caucherie et la Watine), Préville… Le sénéchal Patras de Campaigno, chef de la justice de tout le Boulonnais, vivait à Paincthun.

Le curé était le chef spirituel de Saint-Martin : il surveillait la bonne conduite des habitants, leur dispensait les sacrements et tenait les registres des baptêmes, mariages et sépultures qui existent encore aujourd’hui (aux Archives). Les décès d’enfants étaient très nombreux, souvent juste après leur naissance. La messe hebdomadaire, obligatoire pour tous, avait lieu le dimanche en fin de matinée. Les jeunes et les personnes âgées allaient à l’église tous les jours, seules les mères de famille en étaient exemptées. Quant aux hommes… il y avait le café Pâques à côté de l’église….

Parallèlement, les fêtes étaient nombreuses au village de Saint-Martin : la foire d’abord, qui durait une semaine, parfois même 15 jours. Les processions une fois par an, lors des Rogations (bénédiction de la terre). Et surtout, il y avait des bals champêtres à Ostrohove et à la Cluse. Parfois la violence s’en mêlait bien sûr, et quand le roi Henri III décida d’interdire les danses de rue… on continua à danser en cachette.

La vie à Saint-Martin était celle d’un village de cette époque. Dans l’ensemble, elle était correcte, mais les mauvaises récoltes, le prix exorbitant des objets de première nécessité, les troupes de soldats qui ne respectaient rien ni personne, la haine de la corvée obligatoire et l’attitude de certains riches (nobles ou prélats) firent monter la colère à Saint-Martin comme ailleurs, et, en 1789, la Révolution française éclata… (à suivre).

Isabelle CLAUZEL.